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De l'oeil au cerveau :

les niveaux de traitement de l'information

     Comme nous pouvons l’apprendre dans le TDC n° 1066 cité précédemment, et dont Guy Belzane est le rédacteur en chef, « Par le voir, nous pensons être en lien direct avec le monde. Pourtant, voir, au même titre que se souvenir, rêver ou imaginer, est une constructionde notre cerveau. » (p. 6). Mais alors, comment notre cerveau fait-il pour construire cette image du monde que nous percevons ?

     La vision occupe près d’un tiers de notre cerveau. Il s’agit d’un sujet très prisé chez les scientifiques et chercheurs, qui l’abordent pour mieux s’intéresser à la cognition. En effet, la vue est l’un des principaux éléments qui entrent en relation avec la mémoire, la coordination des mouvements, … De nombreux progrès ont été effectués depuis les théories de Pythagore en -580 et Ptolémée en 90, qui concevaient la vision comme une action de l’œil directement sur les objets. Au XVI° et au XVII° siècle, les premières descriptions de l’œil et de ses structures, vues précédemment, ainsi que du cerveau et du nerf optique apparaissent. Mais il faudra attendre la fin du XIX° siècle, en 1881, pour comprendre que le lobe occipital, situé à l’arrière de la tête, est le siège de la vision chez l’homme. Cette découverte est attribuée à l’allemand Hermann Munk. A partir de là, on a

commencé à découvrir les différentes aires cérébrales par lesquelles passent l’information pour être traitée. En 1908 notamment, l’ophtalmologiste japonais Tatsuji Inouye, puis plus tard, en 1918, le neurologue irlandais Gordon Holmes, publient, d’après des études de cas sur des soldats blessés, une cartographie détaillée de la représentation rétinotopique de l’espace dans V1. En voici un exemple ci-contre. Une carte rétinotopique associe des points de la rétine à des points du cerveau, ou surface corticale. Aujourd'hui, une technique plus moderne permet de la réalité : l’IRMf rétinotopique. Il s’agit alors d’envoyer des stimulus visuels périodiques, conçus pour encoder la position dans le champ visuel en le parcourant lentement. Toutes les zones activées par ces stimulus sont des aires visuelles. Grâce à cette technique, on peut par exemple mettre en avant les différentes aires visuelles :

     Comme étudié précédemment, c’est la rétine qui reçoit les signaux lumineux pour les transformer en signaux électriques. Cela s’effectue par l’intermédiaire des cellules photoréceptrices, puis bipolaires et ganglionnaires. Les signaux sont ensuite acheminés jusqu’au cerveau par les fibres nerveuses qui composent le nerf optique. Au niveau du chiasma optique, ces fibres se partagent : celles contenant les informations relatives au champ visuel gauche partent vers l’hémisphère droit, et inversement pour le champ visuel droit. Ces observations peuvent être faites expérimentalement en sectionnant le nerf optique au niveau de l’œil, du chiasma ou entre ce dernier et le relais cérébral. Ensuite, on regarde quelle partie du champ visuel a disparu pour comprendre les informations qui circulaient dans la partie sectionnée. Par la suite, les fibres du nerf optique arrivent donc au niveau d’un relais cérébral, les corps genouillés latéraux. A ce niveau, les messages nerveux provenant de la rétine sont envoyés au cerveau. Le neurone transmetteur de ce message est la sérotonine, qui se fixe sur des récepteurs spécifiques, ou neurotransmetteurs. Cela est basé sur le fonctionnement d’une synapse, dont le schéma est fourni ci-dessous. Les informations peuvent ensuite rejoindre le cortex occipital, d’où elles vont être traitées et analysées.

Le saviez-vous ?

 

Dans le cadre des recherches menées pour recréer une intelligence artificielle, des chercheurs suédois ont récemment mis au point un neuronne artificiel. Celui-ci est inspiré du même principe de transmition des messages nerveux entre les neurones. C'est ce que l'on appelle le biomimétisme. A long terme, ce prototype pourrait ouvrir des possibilités de traitement pour des patients ayant perdus une partie de ses fonctions cérébrales. Mais beaucoup de problème sont encore à résoudre.

     Le cerveau est une structure très bien organisée, dans laquelle on distingue deux voies parallèles de traitement des informations visuelles, qui partent toutes deux de l’aire V1 évoquée précédemment : la voie dorsale part de V1 vers le cortex pariétal, en passant par V5, et la voie ventrale part de V1 vers le cortex temporal, en passant par le lobe occipital et V4. Il existe de nombreuses aires visuelles ayant chacune un rôle particulier, et dont quelques-unes viennent d’être citées. Les principales sont : le lobe occipital (LO), puis  V1, V2, V3, V4, et  enfin V5.  Pour mettre en  Ã©vidence

leur rôle, on peut faire une IRM du cerveau d’un patient en train de lire par exemple. Ainsi, on a pu démontrer que les deux premières aires visuelles V1 et V2 réceptionnent les informations provenant du nerf optique, et analysent les contours des objets. Ensuite, V3 est une zone responsable de la perception des formes, tandis que V4 perçoit les couleurs et V5 le mouvement. Précisons que chacune de ces aires cérébrales tient compte des informations issues des régions inférieures. De cette manière, les images peuvent être recréées dans leur ensemble au fur et à mesure que l’information est transmise dans le cortex cérébral.

     Seulement, le cerveau n’analyse pas en détail toutes les parties de l’image, il en sélectionne une partie. Ce processus dynamique est appelé vision active. Une première sélection s’effectue au sein de l’œil lui-même. En effet, la partie centrale de la rétine, la fovéa, est, comme précisé précédemment, constituée d’une proportion plus importante de cônes. Ainsi, l’acuité visuelle est maximale en vision de face, lorsque l’image est située au centre du champ visuel. Concernant la vision périphérique, assurée principalement par les bâtonnets, elle permet une meilleure perception des mouvements, mais aussi lorsque la luminosité est assez faible. De plus, les saccades de l’œil permettent de placer au centre du champ les éléments importants à analyser. Cela est très utile pendant la lecture notamment. C’est cette volonté de tout analyser qui met en marche certaines illusions par exemple. En effet, le déplacement du regard sur l’image peut par exemple donner l’illusion du mouvement. L’attention sélective est une autre capacité pour se focaliser sur une information que l’on veut analyser. Ainsi, plutôt que de chercher à tout traiter en parallèle, le cerveau ne se concentre que sur un critère. Neisser, psychologue américain du XX° siècle, avait par exemple réalisé une vidéo dans laquelle se superposent deux vidéos : l'une d'une équipe de basket en blanc et l'autre d'une équipe en noir. Il demandait ensuite aux sujets de focaliser leur attention sur l'équipe blanche pour savoir combien de fois leur balle tombait au sol. Cette expérience avait pour but de démontrer l'importance de l'attention sélective.

     Les neurones sont, comme toute cellule nerveuse, constitués d'un corps cellulaire muni d'un noyau, de dendrites qui reçoivent l'information et d'un axone entouré de cellules de Schwann qui le protègent. Pour fonctionner, les neurones ont besoin d'énergie apportée sous forme de glucose. Après une forte sollicitation, les neurones sont momentanément en manque d'énergie. Après la simulation, leur réserve se régénère en une dizaine de secondes, mais des illusions peuvent être créées pendant cette période. En effet, de  nombreuses  expériences  ont  prouvées que  des  illusions 

perceptives sont créées suite à l'observation prolongée d'un même stimulus. Il s'agit d'un écart entre les simulations physiques des neurones et les perceptions engendrées par celles-ci. Sur l'expérience suivante par exemple, dont le graphique est tiré du TCD n°1066, on présente des points statiques puis mis en mouvement à un sujet. On observe ensuite l'activité d'un neurone sensible au mouvement. On remarque que lorsque la simulation est forte, la vitesse perçue est plus importante, alors qu'au fil du temps l'activité du neurone diminue, de même que la vitesse perçue. Après la simulation, lorsque les points redeviennent statiques, on perçoit un mouvement inverse pendant une dizaine de secondes.

Certaines substances hallucinogènes, comme le LSD par exemple, sont elles aussi capables de créer des illusions perceptives de la sorte, mais cette fois en corrompant les informations qui arrivent au cerveau, au niveau du relais cérébral. Comme expliqué précédemment, à ce niveau les informations provenant du nerf optique sont acheminées vers le cerveau par l'intermédiaire d'un neurotransmetteur, la sérotonine. Il s'agit d'une molécule qui se fixe sur des récepteurs particuliers. Elle possède une structure, ou forme similaire à celle de la molécule d'acide lysergique diéthylamide, ou LSD, qui, une fois ingérée, se fixe sur les récepteurs à sa place. On peut observer cette similarité sur la comparaison suivante. Ainsi, les messages envoyés au cerveau sont modifiés et créent des perceptions différentes de la réalité. Le chimiste suisse Hoffmann en avait testé et décrit les effets en 1943 dans son article « Les drogues et le cerveau ». On y apprend que sa perception du monde qui l'entoure a complètement changer puisque des objets se sont animés, ils ont pris des tournures angoissantes, et des images continuent de défiler devant ses yeux fermés, … Il a d'ailleurs été prouvé qu'à plus long terme, le LSD peut engendrer un état dépressif et des troubles psychiques. Il est issu d'un champignon, l’ergot de seigle, qui lui aussi peut provoquer des états graves. Il a notamment été à l'origine d'épidémies graves au moyen âge et même plus tard en France.

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